Les activités en optique et photonique trouvent leurs applications dans le domaine du numérique selon plusieurs axes : le transport de l’information, le traitement des données et l’imagerie non conventionnelle.
Transport de l’information et apprentissage automatique
- Le premier axe concerne le transport d’information et le traitement de données associées à des algorithmes d’apprentissage automatique.
L’augmentation du débit des données et la réduction de la consommation d’énergie sont les principaux défis auxquels doivent faire face les futurs réseaux optiques. Pour y répondre, la couche optique doit devenir agile, tolérante et intelligente afin de répondre aux exigences imprévisibles du trafic de données tout en optimisant les ressources allouées. Dans ce contexte de l’implémentation et de l’évaluation des réseaux optiques de nouvelles générations, une première activité a été menée en collaboration avec l’ETS Montréal sur la coexistence dans les réseaux de débits 10G/100G. Des travaux de simulations et une validation expérimentale ont été réalisés pour évaluer les dégradations subies par le canal 100G. - Un second axe exploré depuis quelques années porte sur le développement d’un outil logiciel capable d’une part de modéliser correctement la couche physique optique et d’autre part de créer et implémenter les abstractions nécessaires pour intégrer et tester de nouvelles fonctionnalités optiques (commutation de paquets optiques, QKD, . . .) et d’évaluer leur impact sur les performances de la couche réseau (QoT, probabilité de blocage, consommation d’énergie . . .).
Nous nous sommes également intéressés aux bénéfices croisés des techniques d’apprentissage machine et des techniques photoniques utilisées dans les transmissions optiques. Nous avons, dans un premier temps, implémenté ces techniques pour étudier l’impact sur la performance
de transmission des effets non-linéaires dans les fibres. Pour cela, nous avons proposé une technique d’optimisation du paramétrage de traitement du signal pour réduire ces effets [Lehmann and Frignac, 2018].
Nous nous sommes également intéressés aux techniques d’apprentissage machine pour le contrôle dynamique de l’excursion de puissance optique des différents canaux amplifiés par des EDFA (Erbium Doped Fiber Amplifier). Comme les altérations de la couche physique s’accumulent tout au long du chemin optique, le rapport signal/bruit optique (OSNR) et le taux d’erreur binaire (BER) ont été associés à l’excursion de puissance, afin d’estimer la qualité de transmission (QoT) [Freire-Hermelo et al., 2021b]. Ces travaux se poursuivent aujourd’hui au travers d’une collaboration soutenue avec l’ETS de Montréal.
Les techniques d’apprentissage automatique ont également été mises en œuvre pour la prédiction de pannes dans les équipements réseaux afin d’améliorer de manière significative la qualité de service et réduire les coûts par une maintenance proactive des équipements réseaux. Dans le cadre d’une thèse sous convention CIFRE avec SPIE ICS, un état de l’art complet du domaine ’Network Fault Prediction’ a été effectué afin d’identifier en particulier les méthodes d’apprentissage machine qui pourraient répondre à cette problématique [Murphy et al., 2023]. Une comparaison des méthodes d’apprentissage machine basées sur des arbres de décision a été effectuée sur une base de données ’terrain’ issue du monitoring des réseaux d’accès optiques par la société SPIE ICS. Une nouvelle métrique d’estimation du coût a été proposée.
Systèmes photoniques neuro-morphiques pour le traitement de données
En 2018, nous avons initié une nouvelle activité de recherche dédiée aux systèmes photoniques neuromorphiques basés sur le concept de ’reservoir computing’. Les systèmes photoniques sont particulièrement adaptés aux implémentations physiques de ces systèmes neuromorphiques en raison de la simplicité du processus d’apprentissage, de la très grande rapidité des composants optiques, de leur potentiel pour le traitement de signaux en parallèle, et de la très grande diversité de non linéarités disponibles ainsi qu’une consommation énergétique très faible en comparaison des systèmes d’IA émulés sur des ordinateurs. Nous avons débuté par des études numériques puis développé plusieurs implémentations physiques basées sur des dispositifs optoélectroniques pour différentes applications telles que la reconnaissance vocale, la classification de données et plus particulièrement la détection précoce de maladies neurodégénératives. Pour cette dernière, nous avons pu réaliser une démonstration de classification à l’état de l’art avec une amélioration nette de l’efficacité computationnelle et énergétique en comparaison des autres méthodes employées pour cette application [Mwamsojo et al., 2022b, Mwamsojo et al., 2022a].
Composants photoniques pour le transport et le traitement optique de l’information
Le second axe de recherche regroupe les activités de recherche sur les composants photoniques. Le développement de dispositifs photoniques innovants est indispensable aussi bien pour le transport de l’information que le traitement de données. Pour répondre à ce besoin, nous étudions et développons des sources laser impulsionnelles reconfigurables et des sources lasers à semi-conducteur III-V.
Sources laser impulsionnelles reconfigurables
Dans la continuité de nos travaux sur les dispositifs discriminants en longueur d’onde, nous avons mis à profit ces structures pour explorer des fonctionnalités telles que la mise en forme des impulsions laser et la multiplication de leur taux de répétition. Une nouvelle méthode de synthèse a été développée pour la mise en forme d’impulsions temporelles basée sur la mise en cascade de cellules biréfringentes dont les paramètres opto géométriques ont été établis au moyen d’un algorithme d’optimisation (PSO, Particular Swarm Optimization). Des profils d’impulsion symétriques et non symétriques ont été générés attestant ainsi de la viabilité de l’approche proposée dans les régimes picoseconde et femtoseconde [Halassi et al., 2020, Driouche et al., 2022a]. Ces structures anisotropes, ayant une phase quadratique périodique, ont permis également de démontrer la faisabilité d’un multiplicateur du taux de répétition des impulsions basé sur l’effet TALBOT temporel. La synthèse du filtre est obtenue au moyen d’un algorithme génétique. Pour un taux de répétition en entrée de 10GHz, des trains d’impulsions dont le taux de répétition a été multiplié par un certain facteur ont été générés sans altération des caractéristiques de l’impulsion
[Driouche et al., 2022b, Driouche et al., 2022c].
Peignes de fréquences optiques sur puce
Nous développons également des sources optiques pouvant répondre à la fois à la demande croissante de débit de données tout en garantissant une consommation d’énergie restreinte pour limiter l’empreinte écologique des
TIC qui ne cesse de croître ces dernières années. Les peignes de fréquences optiques sur puce peuvent révolutionner les communications optiques à très haut débit massivement parallèle par le biais du multiplexage en longueur d’onde (WDM) et contribuer aux développement de puces photoniques neuromorphiques intégrées. Ces travaux récents sont réalisés dans le cadre de deux projets en cours (ANR ORCHID et ANR HybridCombs). Dans ce cadre, nous développons une nouvelle classe de sources de peignes de fréquences optiques à l’échelle de la puce, qui associe les avantages distincts des micro peignes Kerr à solitons avec ceux des lasers à verrouillage de mode à base de nanostructures composées de matériaux semiconducteur III-V. Cette technologie optique permettra à terme de générer un peigne de fréquences optiques multi longueurs d’ondes sur une largeur spectrale de plusieurs THz permettant ainsi de réaliser des transmissions optiques de données à des débits de plusieurs dizaines de térabit/s à l’aide d’un seul composant [Kemal et al., 2020, Merghem, 2023b, Verolet et al., 2020].
Dynamique de lasers à semi-conducteurs en présence de perturbations externes
Ces travaux s’inscrivent dans la continuité d’une étude menée depuis plusieurs années sur les propriétés d’émission de lasers Fabry-Pérot à mono-section en présence de feedback optique externe. Nous nous intéressons plus particulièrement au comportement d’un laser lorsqu’il est soumis à des perturbations d’origines physiques différentes (injection optique, feedback électrique, feedback optique, et feedback optoélectronique) dans le but de développer des approches originales qui peuvent s’adapter à diverses applications (transmission cohérente, cryptage par chaos optique, Lidar, sources micro-ondes, traitement du signal, etc.). Dans cette étude, le régime de fonctionnement (monomodal, périodique, ou chaotique) d’un système laser est modélisé au moyen de quelques outils mathématiques classiques : bifurcations de Feigenbaum, d’Hopf et de saddle-node ainsi que l’exposant et la fractale de Lyapunov [Zou et al., 2020].
Imagerie calculatoire au service de la santé et des sciences du vivant
Enfin le dernier axe porte sur l’imagerie non conventionnelle. Initié en 2017, cet axe de recherche porte sur la mise au point de systèmes imageurs à échelle microscopique dédiés à l’observation et l’analyse d’échantillons biologiques. Les systèmes étudiés reposent sur un principe d’imagerie calculatoire. Plus précisément, les imageurs développés produisent des cartographies spatiales de paramètres optiques mesurés sur l’échantillon. Ces paramètres sont obtenus par résolution d’un problème inverse relatif à un modèle d’interaction lumière matière (absorption, interaction dipolaire) combiné à un modèle de formation des images.
L’approche expérimentale retenue concerne la microscopie FPM (Fourier Ptychographic Microscopy). Elle produit des images bimodales (intensité et phase) avec un facteur de super résolution élevé (jusqu’à un facteur 6) et permet d’atteindre une résolution spatiale dépassant les limites accessibles en optique conventionnelle (résolution atteinte 100nm).
Le premier défi est abordé par une co-conception du capteur/algorithmes de reconstruction des images. Au niveau du capteur, un travail spécifique sur l’efficacité du schéma d’excitation de l’échantillon a été proposé (brevet FR2108256). Sur l’aspect algorithmique, une originalité du travail a consisté en l’introduction de méthodes hybrides couplant apprentissage profond et optimisation du réseau profond intégrant de façon explicite les équations physiques. Il en a découlé une extension des règles de conception du microscope FPM étudié [Bouchama et al., 2023a] ou un accès à des caractéristiques plus variées sur l’échantillon (dont ses propriétés vectorielles) [Baroni et al., 2022]. Enfin, une technique d’amélioration de la qualité des images par auto-refocalisation a été introduite [Bouchama et al., 2023b,
Bouchama et al., 2022]. L’ensemble du travail permet une virtualisation des ´échantillons qui restent manipulable de façon numérique pour une observation sous des conditions expérimentales variées (jumeau optique de l’échantillon) par un expert.
Le second défi vise la réalisation d’automates de diagnostic performants sur les maladies du sang en hématologie (leucémies) ou en parasitologie (malaria). Nous avons alors montré que des performances en détection et classification des cellules pathologiques étaient significativement améliorées grâce à la bimodalité des images exploitées [Hassini et al., 2023]. Une possibilité de diagnostic complètement automatisé du paludisme sur frottis sanguin semble à présent accessible. Ces travaux s’appuient sur trois collaborations industrielles dont un partenariat stratégique (Télécom SudParis-TRIBVN), un projet ANR-Labcom OT4D, un projet BPI-HDH-TAMIS, et plusieurs collaborations académiques (avec les hôpitaux Avicenne, Saint-Aintoine, la pitié salpêtrière, Paris-Sorbonne, Généthon et l’Inserm).