Transmission TV, téléphones, sécurité : comment assurer les télécommunications pendant les JO ?

Télécom SudParis

Cet article est republié à partir de The Conversation par Ghalid Idir Abib, maître de conférences à Télécom SudParis et directeur du département Électronique et Physique (EPH) de Télécom SudParis.

 

Les évènements sportifs comme l’Euro de football ou les Jeux olympiques et paralympiques offrent des occasions de se rassembler et de soutenir des athlètes réalisant des performances inédites. La couverture par les médias de ces évènements est incontournable pour leur succès. Les systèmes de communication, leur sécurité et leur fiabilité sont donc un enjeu crucial afin de garantir la bonne transmission de l’image et du son captés lors des championnats.

Toutes ces données sont en effet transmises par ondes radio. C’est ce qui permet, par exemple, aux téléspectateurs de suivre l’épreuve à distance, aux arbitres de communiquer entre eux, ou de contrôler certains systèmes de mesure tels que les chronomètres à distance. Mais des perturbations peuvent altérer les communications. Il est donc essentiel de voir comment prévenir, le plus possible, les incidents. Dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques 2024, la gestion de ce type d’incidents s’avère particulièrement complexe puisqu’elle devra être réalisée sur les différents sites en France où se déroulent les épreuves et durant toute la durée des Jeux.

Les systèmes de communications utilisent des signaux dits radiofréquences (RF) et partagent le spectre électromagnétique : chaque système RF utilise une certaine bande de fréquences afin d’éviter de se superposer avec les autres. De fait, plusieurs signaux RF, portant des informations différentes, cohabitent. Il peut arriver que ces communications soient détériorées, voire coupées, à cause de perturbations. Les services qui utilisent ce type de communications, tels que les réseaux mobiles, le wifi ou les communications audiovisuelles, peuvent ainsi être rendus inaccessibles. Il est donc primordial de sécuriser ces systèmes afin de protéger les liaisons, pour le bon déroulement de l’évènement. Les systèmes de positionnement de type GPS (Global Positioning System) sont aussi concernés par ces problèmes, car ils utilisent des signaux RF.

Comment fonctionnent les télécommunications RF ?

Un système de communication RF repose sur l’utilisation d’un émetteur et d’un récepteur. Une antenne est associée à chacun afin d’envoyer et de recevoir l’onde électromagnétique associée au signal RF. Cela permet de transmettre l’information sans câble.

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Ce signal RF est caractérisé par la bande de fréquences (en hertz ou Hz) qu’il occupe dans le spectre. Elle est appelée « bande passante » et est centrée autour d’une fréquence appelée « porteuse ». Plus cette bande est large, plus on peut transmettre des données, le débit augmente donc. Le spectre radio inclut les fréquences allant de 30 Hz à 3 000 GHz (milliard de hertz) du spectre électromagnétique. Par exemple, certains signaux wifi occupent une bande fréquentielle large de 20 MHz autour d’une fréquence porteuse située entre 2,4 GHz et 2,5 GHz.

 

Tour de télécommunication de 4G et 5G cellulaire. KPhrom/Shutterstock
Tour de télécommunication de 4G et 5G cellulaire. KPhrom/Shutterstock

Différentes sources de brouillage

Si plusieurs signaux RF sont présents dans la bande fréquentielle à traiter par le récepteur, ils s’additionnent et l’information qui y est contenue est altérée. Ces interférences peuvent conduire au brouillage voire à la rupture de la communication. Le brouillage revient à transmettre un signal sur une bande fréquentielle de façon plus forte que le signal que l’on souhaite recevoir.

Les possibles sources de signaux pouvant perturber une communication sont nombreuses, et peuvent notamment se trouver dans le bruit environnant, tel que celui provenant d’autres astres du Système solaire, le bruit terrestre atmosphérique ou le bruit radioélectrique industriel. Le récepteur traitera en permanence le signal RF utile en présence de ce bruit environnant. Si la puissance du signal utile reçu est faible, la communication sera alors altérée.

Le brouillage peut aussi provenir involontairement d’un autre système RF. C’est le cas de sources d’émission de signaux qui se retrouvent involontairement dans la bande fréquentielle de la communication utile. Ceci peut être dû à un mauvais choix ou réglage des fréquences de l’émetteur, ou à un émetteur dont des composants mal conçus ou défectueux génèrent des fréquences parasites. Il arrive en effet qu’un émetteur certifié soit endommagé et émette des signaux parasites brouillant d’autres communications. C’est aussi le cas si deux équipes audiovisuelles couvrent une même épreuve sportive en utilisant toutes les deux des caméras sans-fil avec la même fréquence ! Un autre exemple est celui d’un appareil acheté dans un pays et utilisé dans un autre. Les fréquences autorisées peuvent être différentes entre les pays, et son utilisation peut alors brouiller certaines communications.

À l’inverse, les tentatives de brouillage volontaires utilisent un système dédié, plus ou moins proche du récepteur visé, qui génère un signal à la même fréquence centrale que celle du signal à brouiller. Le récepteur ne sera plus en mesure de restituer les données originales, entraînant des erreurs. Ceci peut être le cas lors d’un brouillage du système de positionnement d’un avion, d’une centrale d’alarme ou de toute communication radio militaire ou civile.

En fonction de la puissance de la perturbation, de sa fréquence et de la sensibilité du récepteur, une source de brouillage peut se trouver à quelques mètres ou à plusieurs kilomètres de la cible.

Que faire en cas de brouillage ?

Afin de minimiser les risques de cas de brouillage lors d’évènements importants où plusieurs systèmes RF sont présents, les fréquences utilisées par les différents équipes et intervenants sont préalablement assignées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui a pour mission de gérer l’ensemble du spectre des fréquences radioélectriques en France. Garante de cette ressource, elle s’assure de la coexistence des usages entre tous les utilisateurs. En cas de perturbation sur le réseau radio, un opérateur mobile ou un une administration telle que l’aviation civile peut faire appel aux services de l’ANFR pour localiser le ou les brouilleurs.

Pour cela, des équipes de l’ANFR les traquent à l’aide d’équipements particuliers. Une antenne et un récepteur permettent de scruter le spectre RF en temps réel et de remonter jusqu’à la position de la source de brouillage. Ce n’est pas une mission facile, car les émissions parasites peuvent par exemple provenir de sources mobiles, ou être intermittentes (un répéteur wifi allumé pendant une courte durée par exemple), rendant leur détection complexe.

 

Analyseur de spectre portable pour la mesure et la surveillance des signaux RF. C'est ce type d'équipements que les agents de l'ANRF sont amenés à utiliser pour identifier les sources de brouillage. ANFR
Analyseur de spectre portable pour la mesure et la surveillance des signaux RF. C'est ce type d'équipements que les agents de l'ANRF sont amenés à utiliser pour identifier les sources de brouillage. ANFR

 

Il est essentiel de rappeler que d’après la loi, une personne qui utilise un brouilleur d’ondes, équipement interdit en France, s’expose à une peine pouvant aller jusqu’à six mois de prison et à 30 000 euros d’amende.

Comment gérer les communications RF lors de grands évènements ?

L’ANFR planifie et contrôle les fréquences utilisées lors de grands évènements. La principale action à mener est de tester, contrôler et identifier tout le matériel RF qui sera utilisé afin de minimiser les risques de brouillages et de perturbations lors de la retransmission des épreuves. Pour cela, l’utilisateur devra faire une demande de spectre auprès de l’ANFR et recevoir une autorisation précisant l’équipement, le lieu et la période d’utilisation du matériel. Ainsi, chaque matériel devra être utilisé avec la fréquence qui lui a été attribuée. Pour les Jeux olympiques et paralympiques, la tâche est complexe et délicate, car plus de 50 000 équipements RF utilisés par les différents intervenants devront être certifiés.

Des équipes mobiles de l’ANFR seront présentes sur les différents sites afin de s’assurer du bon fonctionnement des systèmes RF et pour intervenir en cas de perturbation. Dans le contexte des Jeux, l’ANFR doit mobiliser un nombre important de contrôleurs afin de traquer les interférences et de veiller à la bonne utilisation des fréquences. Pour cela, l’ANFR et Télécom SudParis ont collaboré afin de former des étudiants au contrôle des fréquences et à la gestion des interférences. Ces étudiants recrutés, et associés à ceux d’autres établissements d’enseignement supérieur, aideront et assisteront les agents de l’ANFR dans leur mission.

La lutte contre les brouillages est un travail continu, car de plus en plus de systèmes RF sont utilisés quotidiennement. Entre 1 800 et 1 500 cas de brouillage sont recensés et traités chaque année. Cette gestion est encore plus importante lors de grands évènements tels que les Jeux, car les dispositifs sans fil sont omniprésents sur les sites de compétition. Le brouillage radio est une menace critique qui peut compromettre des services importants, notamment d’urgence, dont les procédures de sécurité reposent sur des réseaux sans fil (systèmes GPS, réseaux wifi, télévision numérique terrestre…). Vu l’importance de l’évènement, ce risque est jugé très important, et l’ANFR se prépare donc pour permettre une continuité des télécommunications et faire face aux imprévus.

 

⇒ Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

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