Internet quantique : la révolution invisible expliquée par un chercheur

La recherche en technologies quantiques connaît aujourd’hui une accélération sans précédent. Parmi ceux qui contribuent à cette avancée, Michael Gide Jabbour, maître de conférences à Télécom SudParis, a obtenu une bourse Jeunes chercheuses et jeunes chercheurs (JCJC) de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour son projet “BOSONENT”, dédié aux limites fondamentales de la transmission d’information dans les systèmes bosoniques. Un domaine à la croisée des mathématiques, de la physique et des sciences de l’ingénieur, où les avancées théoriques peuvent ouvrir la voie à des technologies radicalement nouvelles.

Un parcours entre ingénierie et théorie quantique

Diplômé de l’École polytechnique de Bruxelles, Michael Gide Jabbour se tourne très tôt vers la recherche en information quantique, un domaine qu’il découvre grâce au professeur Nicolas Cerf. Après un doctorat, il réalise deux post-doctorats, à Cambridge puis à la Technical University of Denmark, avant de rejoindre Télécom SudParis.

« Ce poste s’inscrit dans une volonté de renforcer l’expertise en technologies quantiques, en mêlant approche théorique et applications », explique-t-il.

Son parcours illustre une combinaison rare : une formation d’ingénieur, orientée vers les systèmes concrets, alliée à une spécialisation très poussée en théorie de l’information quantique.
Cette double compétence est aujourd’hui particulièrement recherchée dans un domaine où les enjeux sont autant conceptuels que technologiques.

Enseigner les fondations du quantique

À Télécom SudParis, il enseigne la théorie de l’information classique et le traitement du signal, tout en construisant un parcours d’enseignement dédié à l’information quantique.

Il participe également à la création d’un continuum pédagogique allant de la théorie classique aux concepts quantiques avancés, afin d’offrir aux élèves-ingénieurs un socle solide pour rejoindre des masters de pointe comme celui d’IP Paris.
Former une nouvelle génération d’ingénieurs capables de maîtriser ces concepts est, selon lui, essentiel pour répondre aux besoins d’un secteur en forte croissance.

Une bourse ANR JCJC comme levier décisif

La bourse Jeunes chercheuses et jeunes chercheurs (JCJC) constitue un soutien crucial : elle permettra notamment de financer un doctorant, un post-doctorant et d’organiser des événements scientifiques à Télécom SudParis en lien direct avec le projet de recherche retenu.

Au-delà du financement, elle offre aussi une reconnaissance scientifique forte, essentielle pour structurer une équipe, attirer des collaborations internationales et développer une stratégie de recherche à long terme.

BOSONENT : comprendre les limites de la transmission quantique

Les systèmes bosoniques — qui utilisent notamment les photons — sont au cœur des communications quantiques, car la lumière constitue un support naturel pour transporter l’information.

« Mon projet vise à comprendre les limites fondamentales de la quantité d’information que l’on peut transmettre via ces systèmes. C’est une question ouverte depuis plus de dix ans. »

BOSONENT pourrait contribuer à optimiser la sécurité, la vitesse et la robustesse des communications quantiques, essentielles au futur internet quantique.

Ces systèmes reposent sur des propriétés très particulières de la lumière, notamment la possibilité de créer des états quantiques intriqués ou non classiques, qui permettent de dépasser les limites des communications traditionnelles.

Un projet ambitieux aux enjeux considérables qui pourrait tout changer

Le cœur du projet repose sur des inégalités entropiques, des relations mathématiques qui encadrent la manière dont l’information évolue dans un système physique.

Une conjecture centrale, l’Entropy Photon-number Inequality, joue un rôle déterminant pour comprendre la capacité des canaux bosoniques.

Si cette inégalité était démontrée, elle confirmerait des formules utilisées depuis des années mais encore non prouvées, ouvrant la porte à une modélisation précise des réseaux quantiques du futur.
L’impact toucherait aussi des champs connexes : mathématiques, physique statistique, théorie des probabilités…

« C’est un défi scientifique considérable, mais le potentiel d’impact est immense. »

Quels sont les axes scientifiques du projet ?

  • Modéliser les systèmes bosoniques non gaussiens, indispensables pour exploiter des ressources quantiques avancées.
  • Prouver les inégalités entropiques dans des cas généraux.
  • En déduire les capacités exactes des canaux bosoniques, une avancée majeure pour les communications quantiques.

Ces trois volets mobilisent à la fois une expertise en mathématiques avancées, en physique quantique et en théorie de l’information, illustrant le caractère profondément interdisciplinaire du projet.

Communiquer avec la lumière : explications simplifiées !

Pour expliquer son domaine au grand public, Michael résume ainsi :

« L’information quantique étudie comment manipuler et transmettre l’information en exploitant les lois de la mécanique quantique. Dans mon cas, cette information est portée par la lumière. »

Il compare volontiers les puces photoniques à des “fibres optiques miniaturisées”, capables de transporter des impulsions lumineuses quantiques sur des circuits intégrés.
Ces systèmes sont au cœur d’applications émergentes comme les communications ultra-sécurisées ou l’informatique quantique optique.

Vers l’internet quantique

L’objectif ultime ? Contribuer à l’émergence d’un internet quantique, un réseau global combinant ordinateurs quantiques et canaux photoniques.

« Pour construire ce réseau, il faut connaître les limites de transmission. Sans ça, on avance à l’aveugle. »

Cet “internet du futur” permettrait, entre autres, de partager des états quantiques à distance, d’exécuter des protocoles de cryptographie inviolables ou encore de connecter des processeurs quantiques répartis géographiquement.

Collaboration, compétition et écosystème quantique

La recherche quantique est à la fois collaborative et compétitive.
Michael travaille avec des équipes en Europe, notamment à Cambridge et à Bruxelles.

Il rappelle que de nombreuses avancées viennent d’échanges informels lors de conférences, de séjours de recherche ou de collaborations transfrontalières.
Le dynamisme français contribue également à l’essor du domaine, soutenu par de nombreuses start-ups.

Ce que le public devrait retenir

Selon Michael :

« Les technologies quantiques visent à mieux sécuriser, traiter et transmettre l’information. Dans une société saturée de données, cela aura un impact direct sur la santé, l’industrie, ou les services publics. »

Un hôpital capable de traiter plus rapidement ses données grâce à des algorithmes quantiques pourrait, concrètement, sauver des vies.

Un message aux étudiants et futurs chercheurs

Aux étudiants intéressés : « N’ayez pas peur de la théorie. C’est exigeant, mais passionnant. Suivez ce que vous aimez. »

Il encourage vivement les jeunes à se laisser porter par leur curiosité, qu’ils se dirigent vers la théorie ou l’expérimentation : les deux approches sont indispensables pour faire avancer le domaine.

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