L’évolution des réseaux sans fil : défis et innovation
Publié le 8 décembre 2024
De standard en standard, les réseaux mobiles évoluent, avec une grande tendance à la virtualisation ainsi qu’un cortège d’innovations qui émergent. Faisons le point sur cet univers de haute technologie avec Badii Jouaber, professeur au sein du département Réseaux et Services Multimédia Mobiles de l’équipe Samovar de Télécom SudParis, expert en réseaux mobiles.
Les défis de la virtualisation
Les réseaux sans fil comprennent les réseaux de type cellulaire ainsi que ceux de type WiFi.
Jusqu’à une période récente, les réseaux cellulaires utilisaient des équipements dédiés, spécialisés et souvent propriétaires. L’évolution des standards pousse à l’accroissement de la flexibilité et de l’ouverture. L’exploitation des réseaux tend en effet à être de plus en plus informatisée, ce qui permet de déployer "à la volée" de nouveaux services réseaux et applicatifs. C’est le cas en particulier avec la 5G, qui inaugure une architecture "orientée services", et a fortiori avec la 6G qui poursuivra dans cette direction.
La mutation vers des réseaux logiciels et programmables (SDN pour Software Defined Network) est le sens de l’histoire. Toutefois, cette approche logicielle n’est pas encore totalement entrée dans les usages chez les opérateurs, pour lesquels elle représente un véritable défi technique et humain, avec des équipes de plus en plus multidisciplinaires et la nécessité de recruter massivement des informaticiens.
Au-delà de la résolution des problèmes d’allocation des ressources, la question est désormais d’optimiser un réseau complètement informatisé et virtualisé, tant pour le cœur de réseau que pour l’accès. Ce processus de virtualisation ne fait que commencer et il va être mis en œuvre progressivement, de manière incrémentale.
Par ailleurs se pose la question de l’impact environnemental du numérique et, en particulier des réseaux. "En pratique, avec l’augmentation du débit, la densification des stations de base et l’exécution des fonctions de gestion qui requièrent des datacenters, la 5G est très gourmande en ressources. L’impact en termes de consommation énergétique constitue un enjeu de taille, auquel de nombreuses recherches sont consacrées, notamment à Telecom SudParis" affirme Badii Jouaber. "Nos travaux visent à concilier l’amélioration des performances et de la qualité de service avec l’efficacité énergétique et l’optimisation des coûts."
Des innovations au service des réseaux
Pour faciliter le saut vers des réseaux plus ouverts et plus flexibles, il existe des technologies ouvertes telles qu’Open RAN (ou O-RAN, pour Open Radio Access Network). L’idée est de promouvoir l’interopérabilité des composants de différents fournisseurs en s’appuyant sur des interfaces ouvertes et des normes. Cette approche vise à réduire la dépendance à l’égard d’un fournisseur unique et à favoriser la concurrence, l’innovation et potentiellement la réduction des coûts.
D’autres technologies vont aussi contribuer à faire évoluer et enrichir la gestion des réseaux.
Du côté des transmissions radio, avec la 6G, les fréquences du spectre utile vont être plus élevées, et atteindre le térahertz, voire le visible. Les portées vont diminuer de manière inversement proportionnelle, d’où la densification des émetteurs.
Dans ce contexte, l’intelligence artificielle va permettre l’automatisation des configurations, qui se complexifie avec un nombre de degrés de liberté beaucoup plus élevé, en particulier avec la question liée au choix du spectre.
Autre moyen de s’adapter à ces fréquences plus élevées : les surfaces intelligentes reconfigurables, ou RIS pour Reconfigurable Intelligent Surfaces, des technologies émergentes, qui vont permettre de relayer les stations de base et même de mailler le réseau radio de manière plus flexible et moins chère qu’avec les émetteurs et les amplificateurs actuels.
Les RIS agissent un peu comme des miroirs constitués de milliers de facettes, qui redirigent les ondes radio ou créent des faisceaux directifs en les focalisant, par exemple pour remplacer des stations de base à l’intérieur des bâtiments. Ces surfaces intelligentes, actives ou passives, vont permettre d’optimiser la couverture et de réduire la consommation d’énergie des réseaux. Cette technologie constitue une brique nécessaire au déploiement des réseaux 5G opérant dans le domaine des ondes millimétriques. C’est pourquoi, il est nécessaire de l’introduire dans les modèles, en tenant compte des modifications de conception et d’architecture qu’elle entraîne.
"Les RIS sont portés en France par la startup Greenerwave, avec laquelle nous collaborons dans le cadre du projet WIFIP mené par Orange. Ce projet vise à proposer des évolutions technologiques, architecturales et de gestion des réseaux Wifi. Le Wifi est une des technologies très répandue et accessible, dont la gestion ne requiert pas de ressources importantes, chaque point d’accès étant indépendant. Nous travaillons à lui apporter de la virtualisation, à l’instar de ce que propose la 5G, ainsi que de la coopération entre points d’accès, voire clusters de points d’accès".
"Au travers du projet Beyond 5G, financé par l’ANR, nous explorons les pistes d’amélioration des réseaux, au-delà de la 5G. Dans notre équipe, nous travaillons à l’optimisation du slicing, c’est-à-dire la possibilité des réseaux virtuels complets sur une même infrastructure. Il s’agit de minimiser la consommation énergétique, avec la difficulté de la mesurer, en l’absence de modèles sur ces aspects. Toutefois, précise Badii Jouaber il faut avoir conscience que, même pour la 5G, certaines briques technologiques ne sont pas encore disponibles." La route vers les réseaux du futur est encore à inventer !
Contact :
Badii JOUABER
Professeur
Dpt RS2M Réseaux et Services Multimédia Mobiles
badii.jouaber (at) telecom-sudparis.eu