En route vers une mobilité urbaine plus équitable, grâce à l’intelligence artificielle

Télécom SudParis

Cet article a été originellement publié par Bastien Contreras pour le magazine scientifique I'MTech (https://imtech.wp.imt.fr/2022/01/04/en-route-vers-une-mobilite-urbaine-plus-equitable-grace-a-lintelligence-artificielle/)

 

La voiture individuelle constitue une source majeure de pollution. Mais comment se passer de son véhicule personnel lorsqu’on habite loin d’un centre-ville, dans une zone peu desservie par les transports en commun ? Andrea Araldo, chercheur à Télécom SudParis, mène un projet de recherche visant à repenser l’accessibilité des métropoles, en faveur des laissés-pour-compte de la mobilité urbaine.

Le secteur des transports est à l’origine de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Et en regardant de plus près, le coupable principal apparaît clairement : les voitures individuelles, responsables de plus de la moitié du CO2 rejeté dans l’atmosphère par l’ensemble des modes de transport.

Afin de préserver l’environnement, les automobilistes sont donc vivement encouragés à délaisser leur véhicule, au profit d’une mobilité moins polluante. Cependant, cette invitation se heurte à la répartition inégale des transports en commun au sein des métropoles. Car si les centres-villes sont généralement bien desservis, l’accessibilité s’avère largement plus faible en banlieue (où les temps de marche et d’attente sont beaucoup plus longs). Dès lors, la voiture individuelle apparaît comme la seule option viable dans ces zones.

Le projet MuTAS (Multimodal Transit for Accessibility and Sustainability, « Mobilité Multimodale Accessible et Durable »), sélectionné par l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre de l’appel à projets générique 2021, vise à réduire ces inégalités d’accessibilité à l’échelle des grandes villes. Son idée est de donner les clés permettant de fournir une offre de mobilité complète, équitable et multimodale, en associant les transports en commun à itinéraire et horaires fixes aux services de transport à la demande, à l’instar des VTC ou des taxis partagés. Ceux-ci peuvent en effet prendre le relais des bus et des trains dans les zones moins desservies. « De cette façon, il s’agit d’améliorer l’accessibilité des banlieues, ce qui permet aux habitants de laisser leur voiture individuelle au garage, au profit des transports en commun, et de contribuer ainsi à réduire la pollution et la congestion routière », décrit Andrea Araldo, chercheur à Télécom SudParis et porteur du projet MuTAS, qui a été, par le passé… propriétaire et moniteur d’auto-école.

Améliorer l’accessibilité sans faire flamber les coûts

Alors comment intégrer la mobilité à la demande à l’offre de transports en commun, sans entraîner un surcoût démesuré pour les collectivités ? En effet, la problématique budgétaire reste au cœur des enjeux de MuTAS. Car l’idée n’est pas de déployer des milliers de véhicules à la demande pour améliorer l’accessibilité, mais de rendre l’offre de transports plus équitable au sein des métropoles, à coût équivalent (ou avec une augmentation limitée).

Par conséquent, il s’agit de répondre à de nombreuses questions, tout en respectant cette contrainte. Dans quelles zones convient-il d’ajouter des services de mobilité à la demande ? Combien de véhicules faut-il déployer ? Comment adapter cette offre à chaque moment de la journée ? Et les réponses à apporter concernent également les transports en commun. Comment optimiser les lignes de bus et de train, pour une coordination efficace avec la mobilité à la demande ? Quels sont les meilleurs itinéraires à emprunter ? Quelles stations peuvent être supprimées, définitivement ou seulement à certaines heures ?

Pour résoudre ce problème complexe d’optimisation, Andrea Araldo et ses équipes proposent de recourir à l’intelligence artificielle, en procédant selon trois phases.

Optimiser un graphe…

La première consiste à modéliser le problème sous la forme d’un graphe. Dans ce dernier, les nœuds correspondent à des stations de bus ou de train, dont chaque ligne est représentée par une succession d’arcs, chacun possédant un temps de trajet. « Ce qu’il faut noter ici, c’est que nous nous appuyons uniquement sur des données réelles et publiques, souligne Andrea Araldo. D’autres travaux de recherche ont été menés autour de ces problématiques, mais à un niveau plus abstrait. Dans le cadre de MuTAS, nous utilisons des données ouvertes et standardisées, fournies par plusieurs villes du monde, comprenant les itinéraires, les horaires, les temps de trajet, etc., mais également des statistiques de densité de population. Ainsi, nous modélisons des systèmes réels de transports en commun. » La mobilité à la demande est également ajoutée au graphe sous forme d’arcs, reliant des zones moins desservies à des nœuds du réseau. Cela traduit l’idée de permettre aux habitants éloignés du centre-ville de rejoindre une station de bus ou de train à l’aide de VTC ou de taxis partagés.

… grâce à l’intelligence artificielle

Le graphe ainsi modélisé sert de point de départ à la deuxième phase. À cette étape, intervient un algorithme d’apprentissage par renforcement, une méthode appartenant au champ du machine learning. C’est lui qui va déterminer, à l’issue de plusieurs itérations, les améliorations à apporter au réseau, par exemple en désactivant des stations, en supprimant des lignes, en ajoutant des services de mobilité à la demande… « De plus, le système doit être capable d’adapter sa structure, de façon dynamique, en fonction de l’évolution de la demande pendant la journée, ajoute le chercheur. Il faut que le réseau de transports traditionnels soit dense et étendu aux heures de pointe, mais il peut significativement se rétrécir pendant les heures creuses, pour laisser place, dans le dernier kilomètre, à la mobilité à la demande, plus efficace lorsque le nombre de passagers est plus faible. »