- Accueil
- Retour vers le métavers
Retour vers le métavers
Publié le 12 décembre 2024
Présenté comme l’avenir d’Internet et des interactions sociales en ligne, un métavers est un univers virtuel dans lequel les utilisateurs peuvent s’immerger et interagir. Marius Preda, enseignant-chercheur à Télécom SudParis, spécialiste en traitement de l’image (acquisition, transmission et visualisation), nous explique pourquoi ce concept qui fait peau neuve est promis à de multiples applications, notamment dans l’industrie.
Un concept qui refait surface
Retour vers le métavers. Créer des mondes en trois dimensions pour interagir avec les autres ou avec des objets dans des scènes imaginaires ou issues du réel est un concept ancien. Il est né et a évolué dans la science-fiction avec des œuvres comme Simulacron 3, publié en 1964 par Daniel F. Galouye, Le Samouraï virtuel (1992) de Neal Stephenson ou Player One (2011) d’Ernest Cline. En 2005, la fiction est devenue réalité avec Second Life, une application permettant à ses utilisateurs d’interagir entre eux et de créer du contenu pour la communauté.
D’abord conçu comme un métavers immersif, Second Life a été simplifié pour devenir une plateforme 3D, à cause de l’équipement trop lourd requis pour assurer l’immersion. Après un engouement notoire auprès des internautes, mais également des marques, du monde académique et des politiques, ce métavers est rapidement tombé dans l’oubli.
20 ans plus tard, le concept de métavers revient sur le devant de la scène, notamment grâce aux nouvelles technologies. Les casques de réalité virtuelle, points d’entrée du métavers, sont de plus en plus performants et accessibles. Les processus de création des mondes virtuels sont également devenus plus efficaces. Les techniques de construction à partir du réel permettent de synthétiser des modélisations en grande quantité et à moindre coût. Des scènes 3D peuvent ainsi être générées à partir de captures du monde réel effectuées par télédétection lidar, avant de les injecter dans le métavers.
Ces avancées permettent de lever les barrières technologiques qui limitaient l’immersion dans le métavers à l’époque de Second Life. Si les applications dans les industries du jeu vidéo et du social sont largement mises en avant par les médias, les usages du métavers sont également étudiés dans d’autres domaines industriels et culturels.
Des usages multiples
L’année dernière, Facebook est devenu Meta. Un changement de nom de la société à l’origine du plus grand réseau social au monde, qui s’accompagne du développement de l’univers en 3D Horizon. Le géant du Web avait déjà commencé à s’intéresser au concept de métavers dès 2014 avec le rachat de la société Oculus VR, qui fabrique des casques de réalité virtuelle. Avec son métavers Horizon, Meta cherche à repousser les limites de l’Internet. Depuis les années 2000, le réseau mondial n’a cessé d’évoluer grâce à la contribution de ses utilisateurs.
D’un réseau de communication permettant d’accéder à des contenus à distance hébergés sur des serveurs, l’Internet est devenu une véritable plate-forme de partage, de personnalisation et d’interaction. Avec le développement du métavers, l’Internet ne sera plus seulement une plate-forme, mais un véritable univers d’interactions. Mais ce métavers n’est pas destiné à un usage unique. Ces nouveaux univers virtuels ne se contentent pas d’interactions en ligne plus immersives, ils offrent également la possibilité de simuler des environnements réels à des prix accessibles.
Une application sur laquelle travaille notre laboratoire est la numérisation du spectacle vivant, en partenariat avec le ballet National de Marseille. A partir de captures 3D de chaque danseur, le spectacle est recomposé dans un environnement 3D. Plus que la réplique du spectacle, la technologie permet de créer de nouvelles expériences, en faisant voler un danseur par exemple, ou en immergeant le spectateur sur la scène. La création artistique peut être repensée grâce à ce type de technologies.
Dans l’industrie, la simulation est appelée à bénéficier du métavers. Cet outil change notamment la manière de gérer les usines, en expérimentant des scénarios directement dans la version virtuelle d’un environnement réel tel qu’une ligne de production, afin d’améliorer sa productivité. Cette optimisation des interactions dans un environnement industriel grâce à des simulateurs existe déjà. Par exemple, les constructeurs Airbus et Boeing ont conçu des cockpits virtuels afin que les pilotes puissent les tester en amont de leur production. L’entreprise elm leblanc, filiale de Bosch, avec laquelle Télécom SudParis collabore, utilise également ce type d’outils pour améliorer le confort des opérateurs et renforcer la productivité.
L’interopérabilité et le numérique responsable
« L’interopérabilité, c’est la capacité d’un système à communiquer avec d’autres systèmes pour exploiter leurs données, rappelle Marius Preda. Par exemple, dans le cas de la filiale de Bosch, la création de A à Z des contenus de synthèse de chaque composant et de leur interaction avec l’utilisateur est fastidieuse. L’interopérabilité entre plusieurs bases de données de création permet de profiter des créations effectuées par d’autres, ce qui représente un gain de temps considérable. »
Or, pour que les systèmes soient interopérables, il faut établir des standards communs. Souvent, les standards sont imposés dès l’arrivée d’une nouvelle technologie par de grandes entreprises, ce qui peut bloquer l’innovation chez les plus petits acteurs. L’interopérabilité et l’existence de standards communs sont des points clés du développement des métavers.
Autre point crucial, la dimension écologique. Le numérique consomme beaucoup d’énergie et génère des déchets non recyclables. Le développement du métavers ne sera pas neutre au plan carbone, toutefois son utilisation peut contribuer à la réduction des impacts écologiques d’autres secteurs. Pour reprendre l’exemple des simulateurs d’Airbus et de Boeing, créer des cockpits virtuels permet d’éviter d’utiliser des ressources en fabriquant un cockpit non fonctionnel. Nul ne sait encore si les impacts du métavers seront compensés par des effets positifs dans le monde réel. Néanmoins, les acteurs de la recherche et du développement de ces univers en trois dimensions se préoccupent de ces aspects et tentent de rendre leur conception et leur fonctionnement plus responsables.
Contact :
Marius PREDA
Maître de conférences,
Département Advanced Research and Techniques for Multidimensional Imaging Systems (ARTEMIS)
marius.preda (at) telecom-sudparis.eu