Objets connectés : 50 milliards d’émetteurs de CO2 ?

Cet article réalisé par James Bowers a été publié dans Polytechnique Insights le 24 septembre 2021 (https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/planete/comment-reduire-lempreinte-carbone-du-numerique/objets-connectes-50-milliards-demetteurs-de-co2/)

 

Entre 2015 et 2019, la consommation d'énergie mondiale du secteur numérique a augmenté de 6,2% par an. En 2010, on comptait environ 1 milliard d’objets connectés dans le monde, chiffre qui passera à 50 milliards en 2025 et à 100 milliards en 2030. La moitié de la consommation d'énergie et des émissions qui en découlent concerne la production d'objets, l'autre moitié leur utilisation. Des chercheurs comme Chantal Taconet tâchent d’évaluer la durée de vie des objets afin de maximiser les bénéfices environnementaux. Pour elle, réduire le nombre d'appareils utilisés et la production de nouveaux objets serait une solution.

Chantal Taconet
Chantal Taconet, Maître de conférences en Informatique à Télécom SudParis

L’économie numérique atteint actuellement des sommets… tout comme son impact environnemental. Responsable de 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2019, le numérique a dépassé le secteur de l’aviation (2,5% en 2018) ; une fracture encore accentuée par la pandémie. Entre 2015 et 2019, la consommation mondiale d’énergie du numérique a augmenté de 6,2 % par an, en partie grâce à l’envolée des ventes d’objets connectés comme les smartphones, les tablettes, les ordinateurs portables, les imprimantes, les téléviseurs, et autres appareils industriels ou caméras de surveillance. À l’horizon 2025, les projections montrent que les émissions de GES du secteur numérique sont susceptibles d’augmenter de 5,5 % (avec un risque élevé de dépasser ce chiffre pour atteindre 9 %). Les appareils sans fil sont désignés comme d’importants responsables de ce bilan.

De récents rapports publiés par The Shift Project identifient l”« Internet des objets » (IoT, pour Internet of Things), qui regroupe l’ensemble des appareils connectés que nous utilisons au quotidien, comme l’une des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre du secteur. La part des objets connectés dans l’impact environnemental du numérique devrait en effet passer à une proportion entre 18 et 23% contre seulement 1% en 2010. Cette évolution est moins surprenante si l’on considère que, selon des estimations de 2021, chaque habitant d’Europe occidentale possède en moyenne 9 appareils numériques. Alors que l’on comptait environ 1 milliard de ces appareils dans le monde en 2010, ils seront entre 30 et 50 milliards en 2025, et pourront atteindre jusqu’à 100 milliards dès 2030. Les données mondiales sont donc claires : le nombre d’appareils connectés augmente de manière exponentielle, accroissant par-là l’empreinte environnementale du secteur numérique.

Se concentrer sur la production et l’utilisation

© Olha Ruskykh / Pexels

« Les émissions de GES dues aux appareils connectés proviennent à la fois de leur production et de leur utilisation. On considère généralement que la moitié de la consommation d’énergie concerne la production des objets, et l’autre moitié leur utilisation », explique Chantal Taconet, maître de conférences en informatique à Télécom SudParis. Les chiffres de l’ADEME (Agence de la transition écologique) montrent ainsi qu’un ordinateur de 2 kg génère en moyenne sur toute sa durée de vie 169 kg de CO2, dont 124 kg au cours de sa seule production. Chantal Taconet souligne dès lors qu’une grande partie de la solution réside dans la durée de vie de nos appareils. « En prenant en compte la production et l’utilisation des appareils connectés, nous pouvons évaluer combien de temps nous devrions utiliser un objet ou un équipement – en mois ou en années – pour minimiser son empreinte environnementale. Nous commençons à modéliser ce calcul en intégrant tous les paramètres. » Elle cite l’exemple d’un thermostat connecté : « Nous devons prendre en compte le nombre d’objets à produire, leur coût de fabrication et d’utilisation, leur durée de vie estimée, etc. Avec ces paramètres, nous pouvons évaluer la durée de vie appropriée pour maximiser les avantages environnementaux. » De tels calculs pourraient nous indiquer, par exemple, combien d’années un propriétaire de voiture électrique devrait conserver son véhicule pour réaliser de réels bénéfices en termes d’émissions de CO2 par rapport à une voiture thermique, en tenant notamment compte du nombre de kilomètres parcourus par an et selon le pays [les émissions de COde la production d’électricité diffèrent selon les pays].

À Télécom SudParis, Chantal Taconet enseigne à la nouvelle génération d’ingénieurs numériques. « Nous encourageons les étudiants à se poser les bonnes questions lors de la conception d’un nouveau système ; à décider s’il faut ou non produire ce nouvel objet ; s’ils peuvent espérer des gains dans un délai acceptable ; et, si oui, comment faire en sorte que le système consomme le moins d’énergie possible. »