5 questions sur les interfaces homme-machine

Télécom SudParis

Terminator, Blade Runner, Minority Report, autant de films de science-fiction  sur l'interaction entre l'humain et la machine, le vivant et le numérique, et qui prophétisent - peut-être - le futur des technologies liées à l'intelligence artificielle. A l'occasion de la conférence internationale IHCI (pour Interfaces Homme-Machine Intelligentes), organisée du 11 au 13 décembre 2017 à Télécom SudParis, Patrick Horain, ingénieur d'études en imagerie numérique au département EPH (Electronique et Physique) et président de cette neuvième édition annuelle, imagine le futur des interactions homme-machine au travers des plus grands films de science-fiction. Selon vous, quelle est la prochaine étape de développement des interfaces homme-machine ? Concernant la perception des humains par la machine, on peut prendre plusieurs analogies dans le cinéma de science-fiction. Pour parler de ce vers quoi on tend, je pense à l'interface gestuelle qu'utilise le personnage de Tom Cruise dans Minority Report, pour se passer d'une souris d'ordinateur et manipuler des objets numériques par le geste. On pourrait voir apparaître une telle interface, par exemple, dans le cas du chirurgien dans un bloc opératoire qui est dans l'incapacité d'interagir avec le quelconque appareil électronique. Pour consulter le dossier de son patient, il ne peut pas toucher un clavier d'ordinateur. Ou, pour aller plus loin, on peut l'imaginer avec des lunettes de réalité augmentée, lui donnant des informations sur une tumeur à l'intérieur du corps du malade, avec qui il interagit par des commandes gestuelles. C'est une idée qui date de plusieurs années déjà, notamment avec les travaux de l'Université de Purdue en 2005, mais qui se concrétise seulement aujourd'hui. Que nous réserve le futur de ces technologies ? Pour citer des possibilités plus lointaines, on peut évoquer 2001 : L'Odyssée de l'espace, avec son super-ordinateur HAL 9000 et son œil rouge. Certes, ici la machine se révolte, mais dans la première partie du film, avant que l'intrigue ne bascule, sa présence montre bien les performances d'un tel ordinateur et l'aide qu'il apporte. Il est capable d’interagir naturellement, en langue naturelle, avec les êtres humains, de comprendre leurs pensées et leur état émotionnel. Il est tellement perfectionné, qu'ils arrivent même à lire sur les lèvres des astronautes, alors réfugiés dans leur module justement pour ne pas être entendus de l’ordinateur !  Une telle technologie peut certes échapper au contrôle de l'homme, mais ici, cela participe à la dramatisation du film. Ce n'est que de la science-fiction. Dans le cas de Matrix, par exemple, la distinction entre ce qui est réel et ce qui est virtuel est quasiment abolie. Les personnages existant dans le monde réel et ceux qui sont modélisés dans la machine deviennent indiscernables. L'enjeu dans ce film est de comprendre si, dans notre interaction avec elle, nous sommes trompés par la machine ou si nous appréhendons le monde réel. Encore une fois, cela rejoint les défis technologiques des interfaces homme-machine, mais il ne faut pas prendre ces scénarios pour argent comptant. C’est l’homme qui crée la technologie, même si on voit qu’avec Terminator, par exemple, elle peut se rebeller contre lui. La technologie a été créée par l’homme, pour l’homme et pour servir l’homme. Avant que l’ordinateur et les robots se révoltent, on aura sans doute mis en place de nombreux garde-fous. Cette ambigüité grandissante va-t-elle nous pousser à rejeter ces avancées technologiques ? Développer des robots humanoïdes, comme les réplicants de Blade Runner ou ceux de la série Real Humans, perfectionnés à tel point qu'ils en deviennent indiscernables peut amener à un rejet, oui. C'est ce qui est théorisé par la "Vallée de l’Étrange" (ou "Uncanny Valley") : une peluche robotisée est assez éloignée de nous pour qu'on la considère simplement comme un jouet, mais dès qu'il y a une ressemblance avec l'humain, le moindre défaut est étrange, dérangeant et devient finalement une barrière en terme d'interaction. Pour qu'ils soient acceptés finalement, il faudrait arriver à des robots qui soient, non seulement absolument ressemblants physiquement, mais humains dans leurs comportements. Les interfaces homme-machine tendent vers l'autonomie, ou du moins la facilitation. N'aurons-nous bientôt même plus besoin de penser ? Cette tendance à l'autonomie est pour moi un élément de sécurité. Si toutes les voitures étaient autonomes, pilotées par une intelligence artificielle, elles pourraient communiquer entre elles, anticiper leurs mouvements. Sur une autoroute, elles ne changeraient pas de file de façon impromptue comme un conducteur impatient. Mais si la machine déraille, comment faire pour reprendre la main ? Ceci dit, effectivement, que se passe-t-il en cas d’accident ? Comme avec cette voiture Tesla qui, atteignant les limites de système de vision, n'a pas freiné devant un camion blanc reflétant la lumière du soleil.  Ce sont les limites de la technologie, malheureusement. Pourtant, d'un point de vue statistique, le taux d’accident est beaucoup plus bas avec les véhicules automatiques qu’avec des conducteurs humains. Mais dès qu’il y a un accident comme celui-ci, c'est de cela dont on va parler. Malgré tout, j’espère bien sûr que seront conçus des boutons pour désactiver le pilote automatique et permettre à l'homme de garder le contrôle. Ce ne sont plus des enjeux d’interface homme-machine, mais de cybersécurité, de sécurité informatique et des communications. C’est encore un autre domaine, qui n’est pas le mien. Mais évidemment, quand on a affaire à un système complexe, il faut penser à toutes ses dimensions.

Félix Gouty