Un “serious game” pour détecter les troubles cognitifs et moteurs

Télécom SudParis

Que ce soit chez les enfants ou les personnes âgées, la détection souvent tardive des troubles cognitifs et moteurs rend leur prise en charge thérapeutique moins efficace. Or, il n’existe aucun moyen de les détecter précocement, rapidement et simplement. Face à cet enjeu crucial de santé publique, Nesma Houmani, maître de conférences à Télécom SudParis (équipe ARMEDIA du laboratoire SAMOVAR), nous présente le projet « Serious game », qui vise à développer des outils de repérage dans ce domaine.

La genèse de « Serious game » pour troubles cognitifs et moteurs

Les activités proposées à l'école maternelle sont d’une grande richesse, mais rien n’est mis en œuvre pour détecter un éventuel problème neurologique lors du développement de l’enfant. « J’ai été touchée par le désarroi de certaines familles dont les enfants avaient des troubles cognitifs » reconnaît Nesma Houmani. « Alors qu’aujourd’hui, les enfants jouent avec des tablettes dès leur plus jeune âge, pourquoi ne pas développer un jeu qui pourrait fournir des informations sur leur développement neuropsychologique ? »

C'est ainsi qu'est née l'idée de Serious Game, qui peut être utilisé par des patients de tout âge, y compris par les enfants. Il s’agit d’un jeu de labyrinthe simple et interactif sur tablette. Son objectif est de fournir des données comportementales dont l'analyse permet de détecter précocement des troubles cognitifs et moteurs.

Classifier les données sur les troubles cognitifs et moteurs

Jusqu’à présent, d’après notre analyse de la littérature, aucun travail de recherche n’avait été mené sur cette problématique de la détection précoce des troubles cognitifs et moteurs par le biais d’une analyse comportementale sur dispositifs numériques.

Certes, des startups développent des jeux utilisés pour la détection de la maladie d'alzheimer et/ou la thérapie, mais sans aucune publication ni validation scientifique associées.

Une équipe d'ingénieurs de recherche, de stagiaires et d'élèves de Télécom SudParis a donc conçu intégralement un outil novateur : du contenu aux méthodes d'analyse des données en passant par le design. Au travers des jeux, c'est la dynamique du geste produit qui est scrutée : la qualité du tracé, la vitesse et le temps d’exécution, entre autres. Ces critères sont pris en compte afin d’analyser et de détecter précocement d’éventuels troubles chez les patients. Pour cela, des méthodes de traitement du signal et d’apprentissage automatique (machine learning) sont utilisées. Elles permettent de faire de la classification, qui peut être ensuite supervisée ou non par un professionnel de santé pour l'aider dans son diagnostic. Un algorithme développé dans le domaine de la biométrie a été reconfiguré pour l’adapter à ce sujet. L'ensemble du dispositif a été breveté.

« Nous cherchons à mettre en évidence des écarts par rapport à un comportement « normal », et à les quantifier. En revanche, nous ne sommes pas en mesure de distinguer les pathologies reconnaît Nesma Houmani. Il s’agit avant tout d’un outil de repérage et d’aide à la décision, dont l’utilisation doit être encadrée et suivie par des professionnels de santé, qui pourront ensuite préciser les pathologies et prescrire les thérapeutiques ».

La possibilité de détecter un trouble du neuro-développement

Le jeu a ainsi été testé sur une large population : 77 enfants en maternelle, 84 enfants en élémentaire, 17 adolescents, 62 personnes entre 21 et 50 ans, et 32 personnes entre 51 et 80 ans. Chez les enfants, les résultats des travaux montrent qu’il est possible de détecter un trouble du neuro-développement en se fondant sur la motricité fine. Entre 11 et 50 ans, on observe une amélioration de la fluidité de geste moteur, puis une inversion de la tendance à partir de 51 ans.

Par ailleurs, il est intéressant d’observer à travers les jeux que l’acquisition de la fluidité du geste chez les enfants est plus rapide que sa détérioration chez les personnes âgées. « Dans mes travaux, je tiens à appliquer des modèles qui peuvent être expliqués et interprétés par les professionnels de santé », ajoute Nesma Houmani.

Étendre le jeu à d’autres fonctions cognitives

« Le jeu fonctionne très bien, mais nous sommes conscients de ses limites. Un seul exercice ne suffit pas. Nous cherchons actuellement à développer une gamme de jeux, faisant chacun appel à des fonctions cognitives différentes. Cela permettrait d’améliorer la détection en mettant en œuvre la fusion de données et, peut-être, d’identifier des activités mieux adaptées à certaines pathologies. Nous collaborons avec le Groupe Hospitalier Universitaire psychiatrie et neurosciences de Paris (GHU), qui s’intéresse au repérage de l’autisme et des troubles du langage et des apprentissages (troubles dys) » poursuit Nesma Houmani.

L'ambition de l’équipe est de monter une chaire de recherche sur ces problématiques en y associant des entreprises partenaires. L'un des objectifs est de développer un prototype qui pourrait être testé en situation réelle. Pour ces enjeux sociétaux, un accès libre pour les professionnels de santé du monde entier est envisagé.

 

Contact

Projet Serious Game avec Nesma HOUMANI maître de conférence

Nesma HOUMANI
Maître de conférences
Département Électronique et Physique
Courriel : nesma.houmani@telecom-sudparis.eu