Télécom SudParis et Segula cherchent à améliorer la navigation des véhicules autonomes

Télécom SudParis

L'un des points clés de la certification des véhicules autonomes est la navigation et en particulier la reconnaissance en temps réel de la position précise de la route.  Ce sujet fait actuellement l'objet d'une thèse CIFRE effectuée à Télécom SudParis, au département CITI (Communications, Images, et Traitement de l’Information), en partenariat avec la société SEGULA. Une collaboration qui illustre les avantages de mener des travaux de recherche théorique en lien avec des problématiques appliquées. 

La genèse du projet

C'est un stage de troisième année effectué chez Segula par Clément Fernandes, un élève-ingénieur, qui a donné l'occasion aux chercheurs de Télécom SudParis de présenter les travaux de recherche réalisés à l'école.  Ces échanges ont permis d'identifier le fort intérêt porté par l'entreprise de conseil technologique aux enjeux scientifiques et techniques posés par l'assistance à la conduite (ADAS) et la navigation des véhicules autonomes. Ces véhicules sont équipés de capteurs (caméras et LIDAR) permettant de scruter l'environnement sur 360° et de calculateurs (GPU) traitant les données récoltées. L'une des difficultés est de déterminer précisément la position de la route, notamment lorsqu'elle est recouverte de neige, qu’il pleut et que le marquage au sol n'est pas visible, par exemple sur une route de campagne.

Or, l'une des thématiques de recherche du CITI, la segmentation des images, peut contribuer à la résolution de ce problème. Il s’agit ni plus ni moins de déterminer pour chaque pixel d'une image dans quelle classe il se trouve, par exemple s'il est noir ou blanc, ce qui n’est pas toujours évident. En l’occurrence pour les voitures autonomes, la question est de savoir si un point se situe « dans la route » ou « en dehors de la route ».

La segmentation des images représente donc une piste prometteuse à laquelle Télécom SudParis et SEGULA sont convenus de consacrer des efforts communs prenant la forme d'une bourse CIFRE permettant à Clément Fernandes d'effectuer une thèse au CITI.

Le partenariat académique-industriel

Wojciech Pieczynski

La recherche universitaire et la recherche industrielle (R&D) ne poursuivent pas tout à fait les mêmes objectifs.  L'enjeu pour la R&D de SEGULA, qui développe un prototype de véhicule autonome, est d'améliorer le suivi de la route à chaque instant grâce à des algorithmes plus pertinents. Or, cela implique des modélisations mathématiques sophistiquées, de nature probabiliste. « Dans l'approche académique qui prime pour nous, ce qui nous intéresse avant tout, précise le professeur Wojciech Pieczynski, directeur du département CITI, c'est de trouver des modèles plus efficaces que ceux utilisés à ce jour. L'application pratique est en quelque sorte le prolongement de nos travaux. Elle permet en outre d'évaluer nos résultats en situation réelle et d'aider au développement de l'entreprise».

Avec son caractère appliqué, la thèse Cifre évite d'une part une recherche académique trop déconnectée des cas concrets, d'autre part une R&D se résumant à la recherche dans les publications de méthodes permettant de résoudre un problème déterminé. L'idéal est d'aller plus loin en motivant de bons théoriciens à s’intéresser aux applications et des ingénieurs à ne pas négliger les modèles. Les avantages sont mutuels car la confrontation à la réalité industrielle stimule la réflexion des chercheurs. Elle oriente les pistes d'exploration et fournit une interprétation physique des concepts mis en jeu, ce qui aide à mieux les cerner. De plus, toutes les avancées théoriques enrichissent les enseignements, en l'occurrence ceux de la VAP (voie d’approfondissement) Modélisations Statistiques et Applications. Parallèlement, la collaboration avec des chercheurs peut éviter aux ingénieurs le risque de faire des simulations sur des modèles imparfaitement adaptés.

La thèse CIFRE et ses enjeux

© Segula

SEGULA réalise des essais véhicules pour le compte des constructeurs. « Le point de départ de mon stage de 3e année, se remémore Clément Fernandes, était d'utiliser le machine learning pour accélérer ces essais. Un beau défi.  Finalement, l’axe principal de ma thèse est d’utiliser des modèles de Markov avancés, dont le CITI est spécialiste, et de les appliquer à la détection de la route, en recherchant des performances en termes de rapidité ».

La thèse CIFRE permet ainsi à l'entreprise de conseil, qui possède un pôle de recherche interne, de renforcer ses compétences dans des domaines tels que les statistiques.

Elle bénéficie de l'expertise acquise depuis sa création en 2000 par le département CITI, en particulier sur des extensions des chaînes de Markov cachées, appelés chaînes de Markov triplets, qu'elle a développées. Ces outils mathématiques ont de nombreuses applications (dans l'imagerie médicale, le suivi de trajectoires, la correction de données GPS, le traitement du bruit, le traitement du langage naturel, la robotique, la génomique, …) et permettent notamment d’améliorer notablement la qualité de la segmentation, tout en conservant la vitesse d’exécution des modèles classiques. L'enjeu est de lever un verrou technologique crucial pour permettre la certification des voitures autonomes.

« Pour l’instant, les modèles et les algorithmes développés au laboratoire n'ont été éprouvés que sur des cas théoriques que nous maîtrisons et sur lesquels nous faisons mieux que l'état de l'art ou aussi bien explique Clément Fernandes. Aucun essai n'a été mené sur la route mais pour tester des cas réels, il existe des bases de données produites sur des véhicules ayant circulé ». Dans un second temps, des simulateurs peuvent être utilisés pour prendre en compte différentes situations routières.

La collaboration a permis d'orienter en quelque sorte la recherche théorique et de développer de nouveaux modèles, qui ont conduit à la publication d'un article.

La clé du succès de la thèse CIFRE repose sur la capacité du doctorant à mener de front des activités académiques et appliquées, avec des parties prenantes n'ayant pas les mêmes attentes entre théorie et pratique. Aujourd'hui l'essai est transformé et le thésard encadre à son tour des stagiaires.  Signe du succès d'un mode de recherche collaborative exigeante, qui a vocation à se diffuser entre les écoles d’ingénieurs comme Télécom SudParis et le tissu industriel.

 

Contact Carnot TSN

Olivier Martinot

Directeur de l'innovation et des relations entreprises

Télécom SudParis