Briser le plafond de verre pour des sciences plus inclusives

Télécom SudParis

Comment rendre les sciences plus inclusives ? Les voix des femmes dans le domaine des sciences et de l'ingénierie continuent de s'affirmer avec force et détermination. Julia Sartre, élève ingénieure en 2e année et présidente du Bureau des Élèves (BDE)  2023-2024 à Télécom SudParis, incarne cet esprit de persévérance. Passionnée par l'intelligence artificielle et les sciences des données, elle partage avec nous son parcours, ses défis et ses conseils inspirants sur le rôle des femmes dans les filières scientifiques.

 

Quelles sont tes responsabilités en tant que Présidente du Bureau des élèves ?

En tant que présidente du Bureau des Élèves, je dirige une équipe de 39 personnes. Je suis également en charge de la coordination des différents événements de la vie associative sur le campus. Je porte la responsabilité juridique de tout ce qui se passe au niveau associatif et fais le lien entre l’administration de l’école et les différentes associations et clubs.

 

Dans le cadre de tes responsabilités, comment gères-tu la diversité des idées et des opinions pour assurer une programmation variée et inclusive ?

Pour répondre à cette question de diversité et d'inclusivité, nous avons essayé d'avoir une liste BDE aussi complète et représentative que possible des étudiants du campus. Tout au long de notre mandat, nous avons veillé à être toujours à l'écoute des autres et à rester proches des étudiants afin d’avoir un éventail d'événements qui représentent vraiment tout le monde.

 

Quelles compétences professionnelles as-tu développées en tant que présidente ? Et comment ces compétences peuvent être transférables dans ta future carrière d'ingénieur ?

Pendant mon mandat de présidente du BDE, j'ai appris à gérer une équipe de 39 personnes, ce qui équivaut à une petite entreprise. Nous devons également gérer un budget d’environ 500 000 euros, ce qui n’est pas négligeable. J'ai donc appris à mettre en place une stratégie, à collaborer avec les autres, à communiquer plus facilement à l'oral pour interagir avec les entreprises et à avoir plus confiance en moi.

Ce sont des qualités que je peux tout à fait transférer dans le monde du travail et lors de mes entretiens pour d'éventuels stages. C'est quelque chose qui me sert au quotidien et qui me permet de m'adapter et de travailler efficacement avec un groupe, de savoir écouter et finalement d'avoir une organisation efficace et très ficelée.

 

En tant que femme occupant un rôle de leader, quelles expériences ou défis as-tu rencontrés et comment les as-tu surmontés ?

Tout au long de mon parcours associatif, j'ai été confronté à un certain nombre de défis en tant que femme dans cette fonction, à la fois pendant la campagne et durant mon mandat. On m’a très souvent prise pour « une idiote ». Cela s'est produit assez souvent. J'ai dû gérer des interactions empreintes de sympathie ou d’une certaine amabilité que l’on prenait immédiatement pour de la drague. Il n’était pas facile de maintenir une frontière, pourtant très claire, entre l’amitié et la sympathie.

Pour faire face à ce problème, j’ai fait de mon mieux pour avoir des argumentaires bien établis, d’expliquer ma logique de A à Z , du pourquoi je pensais ainsi, quelles étaient les conséquences, ce que cela impliquait et pourquoi j'étais sûre de mon avis sur telle ou telle position.

Je devais constamment faire preuve de sérieux, Ce qui était compliqué car, d’un point de vue associatif, si nous sommes trop sérieux lorsque nous nous adressons aux étudiants, nous pouvons aussi être tourné en ridicule. Trouver l’équilibre a été très difficile à trouver, mais que je crois que j’y suis parvenue.

 

Quelles initiatives pourraient être prises pour encourager davantage de jeunes filles à poursuivre des études et des carrières dans ce domaine ?

Il faudrait agir sur deux aspects principaux :

  • Continuer les actions au sein des collèges pour encourager les jeunes filles à poursuivre vers des études et des carrières scientifiques ou d'ingénierie.
  • Agir sur l’environnement en se demandant pourquoi ces stéréotypes de base existent et d’où viennent ces idées et qui les véhicule.

Ces a priori peuvent provenir de leur entourage ou même dans le monde professionnel de l'ingénierie et des sciences. Les femmes ne doivent pas se dire : « D'accord, j'accepte d'être ingénieure ou de faire de la science, mais je dois d’abord subir tous ces stéréotypes et lutter contre cela”.

Nous devons créer un environnement plus propice pour qu'elles puissent suivre ces voies avec plus de facilité. De plus, il faut toujours faire un effort au niveau du collège, même au lycée, pour leur expliquer pourquoi ces carrières sont aussi ouvertes aux femmes. Parce que c’est vraiment une expérience qu’il ne faudrait pas rater.

 

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes filles qui envisagent de poursuivre des études en ingénierie et qui pourraient avoir des préoccupations ou des doutes sur la vie dans une école d'ingénieur ?

Je pense que je leur conseillerais d'avoir confiance en elles, d'être courageuses et de ne pas se limiter à quoi que ce soit. La vie en école d'ingénieur est une vie qui est vraiment vibrante. Il y a beaucoup d'expériences et de choses à apprendre sur soi et sur les autres.

C’est justement une chance d’être une femme dans une école d'ingénieur, parce qu'on peut faire entendre sa voix. On peut aussi participer à différentes actions très valorisantes. Il serait vraiment dommage de passer à côté de ça.

Je leur dirais de foncer, de ne pas avoir peur, de ne pas se limiter si elles ont envie d’étudier ou de travailler dans ces domaines : il faut absolument qu’elles le fassent.

En tout cas, il est important de savoir qu’il existe de nombreuses actions menées au sein des écoles d'ingénieur pour assurer un environnement bienveillant et pour faire en sorte que les femmes se sentent bien à leur place et qu'elles puissent s'exprimer librement.

Il existe une vraie communauté et un fort sentiment de vigilance. Les uns veillent sur les autres. C'est vraiment des choses qui sont bonnes à savoir. Le milieu s'adapte très bien à chacune et c'est à elles de saisir cette opportunité pour se lancer. C'est une expérience à vivre.

 

Peux-tu partager une anecdote ou une expérience personnelle ?

J’ai une anecdote un petit peu cocasse. Je me suis retrouvée une fois dans une situation où j'avais devant moi un étudiant qui voulait tagguer un mur avec une bombe de peinture. Sauf que cet élève faisait deux fois ma taille et était deux fois plus large que moi.

Je me suis retrouvée à lui dire à plusieurs reprises “Non, tu ne fais pas ça, tu arrêtes, on ne tague pas les murs”. En fait, cet étudiant était persuadé que sa bombe de peinture était effaçable à l'eau. Il me regardait de haut et me disait “Si, si, je vais le faire. Qu'est-ce que tu vas faire ?”. C'était à un moment où je affirmer mon autorité face à quelqu'un qui était deux fois plus grand et plus large que moi. En plus, cela se déroulait en public, donc il y avait beaucoup de gens autour qui ont commencé à regarder. J'étais au tout début de mon mandat et je me suis dit “Là, si je flanche et qu’il taggue ce mur, je suis fichue sur tout mon mandat je ne pourrais plus rien dire à qui que ce soit”. Donc je me suis montrée très ferme et j'ai insisté à plusieurs reprises. C'était un échange un peu enfantin et je crois que, du point de vue de l'extérieur, assez risible finalement.

Il a fini par me remettre sa bombe et une fois que je l'ai eu en main, j’ai réalisé qu'elle n'était pas effaçable. Physiquement, je ne pouvais rien faire et il y avait beaucoup de monde autour de moi. Il fallait absolument que je m'impose et que j’aille jusqu'au bout, sinon ça n'allait pas être possible pour le reste de mon mandat.