La 5G : évolution ou révolution ?

Pour nous éclairer sur la stratégie de recherche en matière de 5G, nous avons demandé à Hervé Debar, Directeur de la recherche et des formations doctorales de Télécom SudParis de répondre à nos questions.

Quelles sont les particularités de la 5G ?

La 5G s’inscrit dans le mouvement général de la virtualisation des infrastructures numériques, qui s’est d’abord matérialisé par l'avènement du cloud et qui touche maintenant les réseaux. Il s'agit de découpler la partie physique du réseau des ressources mises à disposition des utilisateurs. Cela passe par le partage des ressources physiques entre les utilisateurs, et ce à tous les niveaux, de la couche radio jusqu’aux algorithmes qui vont permettre aux utilisateurs de déployer leurs applications.

Comment Télécom SudParis prépare le développement de la 5G ?

Hervé Debar

Nous travaillons par exemple sur « la radio sur fibre », c'est-à-dire  la continuité de la communication entre la fibre et les réseaux radio, ainsi que sur la virtualisation des réseaux ou encore l’allocation optimale des ressources en fonction des besoins des utilisateurs.

La 5G intéresse à la fois les opérateurs des télécommunications et les industriels de l’énergie ou des transports, qui cherchent à améliorer l’efficacité de l’usage des ressources par la flexibilité et à faire des économies. Des réseaux 5G privés, combinés au réseau 5G destiné au public, seront déployés au sein des entreprises, pour piloter une usine par exemple. En effet, chaque industriel utilise des protocoles de communication spécifiques, différents selon les secteurs (énergie, industrie, bâtiment, automobile). Nous étudions la mise en œuvre de plusieurs technologies, afin d’offrir à chacun des services adaptés en termes de rapidité de communication, de volume ou de temps de réponse (latence). Nous nous intéressons principalement aux applications de la 5G dans le domaine de l’énergie et celui de la santé. Pour répondre aux besoins des industriels partenaires ou monter des projets collaboratifs, nous avons rassemblé les compétences de Télécom SudParis sur ces sujets.

Comment s’organise le déploiement de la 5G ?

Il existe aujourd’hui des « bulles de 5G ».  Certains opérateurs télécoms déploient des réseaux pilotes permettant de faire des essais dans des environnements circonscrits et contrôlables. Il existe des outils permettant de créer des réseaux virtualisés sous forme logicielle afin d’expérimenter ces technologies. La recherche de Télécom SudParis contribue à ces essais par le biais de plateformes d’expérimentation.  Par exemple,  la plateforme Network and Cloud Federation (NCF), un laboratoire commun avec Airbus, qui permet d’étudier des problématiques d’allocation dynamique des ressources réseau.

Autre exemple, la plateforme très haut débit THD, une infrastructure qui reproduit le déploiement de la fibre optique en laboratoire. En plaçant des routeurs 5G en bout de réseau, nous créons le dernier maillon jusqu’à l’utilisateur, ce qui est intéressant pour des zones peu couvertes par la fibre. La plateforme THD sert aussi de support à une option de 3ème année de contrat de professionnalisation.  Elle accueille également une chaire d’enseignement autour des réseaux du futur avec des partenaires comme la SNCF ou Setec.

Une des forces de Télécom SudParis réside dans sa capacité à allier la recherche théorique à des expérimentations sur des plateformes. C’est particulièrement utile pour convaincre les industriels de la valeur de nos recherches et pour travailler avec eux sur des projets innovants répondant à leurs besoins. Notre recherche est labellisée Carnot Télécom et Société Numérique : cela nous permet d’être identifiés par les entreprises comme des partenaires potentiels. L’école peut aussi incuber des startups pour développer des prototypes intéressants.

Comment voyez-vous l’avenir avec la 5G ?

Le déploiement sera sans doute progressif, avec des problématiques d’interopérabilité entre les anciens réseaux et les nouveaux. C’est ce qui s’est passé lors du déploiement de la 2G, puis de la 3G et de la 4G. Il existe d’ailleurs toujours des antennes 2G en fonctionnement. La 5G sera cependant la seule technologie adaptée au véhicule connecté, au pilotage des transports publics ou à l’Internet des objets (Iot), en raison du volume de données à traiter, qui saturerait les capacités des réseaux existants. Télécom SudParis est pleinement impliqué dans ces recherches sur l’Iot et le déploiement des objets connectés. Une des applications  futures est la possibilité de faire communiquer entre eux les bâtiments afin d'équilibrer la consommation des uns et la production d’énergie des autres, dans une sorte de « bourse énergétique ».

De nombreuses expérimentations actuellement en cours sur la 5G, émergeront celles qui définiront un bon compromis entre la technologie, l’acceptabilité par les utilisateurs et la viabilité économique.  Le véhicule autonome offrira t-il par exemple un niveau de sécurité physique et un intérêt économique tels qu’il convaincra les consommateurs ? Le contexte sera peut-être plus favorable dans le domaine de l’énergie où les cas d’usages sont nombreux :  le pilotage global de la grille énergétique (seule la 5G sera à même de fournir réactivité, intelligence et déploiement des ressources) ; la surveillance des lignes électriques par drone par exemple, la communication via les compteurs Linky, l’administration au plus près des besoins des utilisateurs, voire les arbitrages entre consommation locale et via le réseau.

Pourquoi développer la 5G  ?

La 5G est une évolution de la 4G, qui se déploiera en parallèle des réseaux existants. L’ampleur de l’évolution sera dictée par la vitesse à laquelle les utilisateurs, individus ou entreprises, se l’approprieront. Ils seront le moteur de l’innovation.

La première version de la 5G ne tiendra pas toutes ses promesses. Les normes se déploieront progressivement. La question clé est : l’innovation répond-elle mieux aux besoins des utilisateurs  ?

Par ailleurs, alors que l’Europe avait une position de leader sur la 3G et la 4G, la situation est plus concurrentielle face à la Chine pour la 5G. Si une application phare telle la voiture autonome émerge, ne pas déployer la technologie 5G serait un réel handicap. L’Europe investit massivement dans la R&D sur la 5G, en partie aussi pour réfléchir à l’étape suivant la 5G. Entre déployer la 5G, en sachant que nous n’irons pas assez vite, ou aller vers des technologies plus avancées, le choix est difficile.

Le déploiement de la 5G se pose-t-il au niveau national ou européen ?

Cela dépend des sujets. Les opérateurs de télécommunication ainsi que les réseaux privés tel le transport ferroviaire visent un déploiement national. La SNCF pourra disposer d’un réseau 5G national pour la gestion de son activité. Le déploiement du véhicule autonome ne peut en revanche se faire qu’au niveau européen. Est-ce que le réseau 5G couvrira l’ensemble du territoire ou seulement des corridors ? Un premier corridor a par exemple été déployé à titre de test dans le nord de l’Europe, entre le Danemark et l’Allemagne.

 

Contact Carnot TSN

Olivier Martinot

Directeur de l'innovation et des relations entreprises

Télécom SudParis